Ils sont fiers. Et leurs proches sont certainement fiers, eux aussi. Mais en observant les finissants d’une nouvelle fournée de militaires tout juste sortis du Collègue militaire royal de Saint-Jean, dans le documentaire Premières armes, présenté dans le cadre des Rencontres internationales du documentaire de Montréal (RIDM), on ne peut s’empêcher d’éprouver davantage de fascination que de fierté.
Un siècle après l’Armistice, 100 ans après la fin de la boucherie de 14-18, pourquoi s’enrôle-t-on encore dans l’armée? Le documentaire nous présente une dizaine de recrues, toutes avec leur historique personnel, toutes avec leurs motivations.
Pendant 12 semaines, on suivra, pas à pas, la transformation de ces gens en individus techniquement capables de défendre la nation, et, si besoin est, de tuer pour y parvenir. Mais n’allez pas croire que ce processus d’entraînement est aussi dantesque que ce à quoi les films et téléséries américaines nous ont habitués depuis Full Metal Jacket. Les instructeurs iront jusqu’à crier à la tête des recrues, oui, mais l’ensemble de la chose dégage un parfum d’incertitude. Voilà l’armée canadienne, toute à ses normes, ses codes, ses procédures, ses acronymes, ses directives strictes. La grille de métal installée dans la douche doit se trouver à un pouce très exactement de la bonde; pas plus, pas moins! Ou encore ce moment hallucinant où un soldat plie ses t-shirts, et emploie une feuille de papier – estampillée du logo de l’armée, bien entendu – pour s’assurer qu’il respecte bien l’exigence militaire concernant… la surface occupée par ledit t-shirt plié. On ne transforme pas des gens en bons soldats sans leur imposer une discipline absurde, dira-t-on. N’empêche que le voir à l’écran provoque un malaise.
Autre moment surprenant: celui où ces recrues alternent entre la course et la lente avancée, plaquées au sol, en simulant une situation de combat. Le tout sur le terrain de soccer du collège, devant, justement, l’un des deux buts qui ceignent le terrain, alors que des voitures et des camions circulent, derrière, dans les rues de Saint-Jean-sur-Richelieu.
Il faut voir, aussi, ces instructeurs hésiter, bafouiller, tenter de porter sur leurs épaules le poids d’une institution qui apparaît sans conteste surannée, sclérosée. Mais jamais ces recrues ou ces instructeurs n’inspirent le mépris ou le dégoût. Les caméras de Jean-François Caissy, épaulé par l’Office national du film, sont toujours discrètes, et permettent de préserver l’humanité des gens qui peuplent le film. Personne n’avoue s’engager pour aller tuer du terroriste. Défendre, protéger, respecter le souhait d’un mourant; tout cela est noble, même encore aujourd’hui. Faut-il tout de même aller jusqu’à laisser derrière soi la vie civile pour ce faire? La question se pose.
Voilà pourquoi Premières armes est un documentaire intéressant. Les questions qu’il soulève méritent amplement réflexion. À voir!