Dans une université abandonnée, un détective tente de résoudre le mystère de la disparition d’un groupe d’étudiants. Mais qu’en est-il de ce scientifique fou qui nous met au défi de survivre à ses épreuves? The Crow’s Eye recèle bien des secrets…
Il y a de ces jeux qui tentent d’en accomplir beaucoup avec des moyens limités. Et bien souvent, le résultat est à l’avenant des ressources disponibles. The Crow’s Eye ne réussit malheureusement pas à échapper aux pièges de l’ambition, malgré plusieurs bonnes idées qui auraient pu fonctionner séparément. Mises ensemble, elles forment un produit bâclé qu’il vaut mieux éviter.
La première de ces idées est d’abord celle de la disparition mystérieuse: les bâtiments de l’université, qui a été forcément été installée dans un vieux manoir, sont déserts, voire décrépis, la faible lumière nocturne se jetant, blafarde, sur des murs lézardés. Jusque-là, tout va bien. Bon, l’ensemble évoque un peu Amnesia: The Dark Descent, mais il n’y a rien de mal à reprendre une formule qui fonctionne. Il y a probablement des limites à trop vouloir imiter une oeuvre qui a eu du succès – surtout lorsqu’il est question, dans le jeu, du monstre de service, un hybride entre un homme et un aigle -, mais laissons la chance au coureur.
La deuxième idée est celle des mécanismes de création d’objets. Ce crafting, abondamment utilisé dans des jeux de survie ou d’exploration, la plupart du temps des titres multijoueurs (Minecraft, Ark: Survival Evolved et bien d’autres), n’est pas mauvais en soi… si le contexte s’y prête. Peut-être que l’idée de créer ses propres pansements en utilisant des bouts de tissu trouvés un peu partout est plus réaliste que d’utiliser des diachylons se trouvant comme par hasard éparpillés sur le sol, mais forcer le joueur à quitter l’univers du jeu pour lui imposer un système de création d’objets est la méthode idéale pour tuer l’ambiance d’un jeu d’horreur, où le maintien du suspense est essentiel.
Cette réflexion est également valide pour le déverrouillage des portes. Après avoir (bien entendu) fabriqué un nécessaire à crocheter les serrures, le joueur devra maladroitement manipuler les boutons gauche et droit de la souris pour parcourir l’équivalent d’un labyrinthe pour débarrer une porte bloquée. Encore une fois, cette méthode tue l’immersion. Et on se demande bien ce qu’il se passerait si, lors du premier essai avec ce système, on accumulait tant d’erreurs que les outils finissent par briser, nous laissant démunis sans possibilité d’en construire des neufs.
La troisième idée, enfin, est celle des plateformes. Il n’y a rien de mal à inclure des sections comportant des sauts dans un jeu vidéo. Mais dans ce cas, deux solutions s’imposent: concevoir le jeu en deux dimensions, à l’image des jeux d’aventure des années 1980 et 1990 ou des titres récents s’inspirant de cette vague, ou offrir des contrôles répondants facilement aux commandes du joueur, avec les performances graphiques qui s’imposent. Car The Crow’s Eye semble incapable d’offrir la fluidité nécessaire à tout bon jeu qui se respecte. Le personnage se déplace par saccades, le taux de rafraîchissement n’est pas constant, et les commandes prennent un tantinet trop de temps à répondre, nous donnant l’impression d’être partiellement englué dans de la mélasse. Impossible, alors, d’effectuer correctement les sauts requis.
Mais ce qui défie toute logique, c’est l’existence même de ces sections avec sauts: que viennent-elles faire dans un jeu d’exploration et d’horreur? Pourquoi sommes-nous brièvement téléportés dans des salles sans aucun lien avec l’environnement principal pour sauter de caisse en caisse afin d’éviter de plonger dans des puits sans fond?
Il ne vaut pas non plus la peine d’aborder la question des caisses amovibles, clairement placées dans certaines pièces où il faudra – surprise! – les empiler pour atteindre un endroit surélevé.
Bref, The Crow’s Eye comporte quelques bonnes idées, y compris avec d’intéressants casse-têtes, mais les développeurs de chez 3D2 Entertainment semblent avoir voulu exploiter toutes les capacités de l’engin Unity sans d’abord envisager la possibilité que le résultat soit non seulement brouillon, mais surtout ennuyant. Après trois heures, et en découvrant une nouvelle pièce où il faudra encore empiler des caisses, le jeu a pris le chemin du grand néant numérique pour une disparition sans appel.