Avec la sortie du film de genre 300, ainsi que sa suite passablement médiocre Rise of an Empire, la bataille des Thermopyles, le célèbre affrontement entre quelques milliers de Grecs et plusieurs centaines de milliers de soldats de l’empire perse (certains avancent le chiffre de deux millions d’hommes), a pris des teintes fantastiques qu’il est difficile d’oublier.
Cette bataille dans l’étroit défilé où un petit groupe de Spartiates s’est sacrifié pour retarder l’avance de l’ennemi – donnant son titre à 300 – a pourtant bel et bien eu lieu. À preuve, ce fait d’armes et l’échec subséquent de la deuxième invasion de la Grèce par l’empire perse après une double défaite sur terre et sur mer fait encore l’objet d’adaptations littéraires et cinématographiques, quelque 2000 ans plus tard.
Avec Gates of Fire, Steven Pressfield délaisse heureusement une partie du côté spectaculaire du conflit et se concentre plutôt sur la structure sociale et militaire de la société spartiate. Racontée par un écuyer spartiate grièvement blessé lors de la bataille, puis sauvé par les médecins de Xerxès, l’empereur perse, l’histoire des Thermopyles s’apparente donc davantage à un récit documentaire. Point de torses huilés et de Gerald Butler hurlant des insultes à ses ennemis en les projetant au ralenti dans un puits sans fond. L’auteur s’est longtemps renseigné sur le sujet, et n’hésite pas à s’inspirer largement des travaux des historiens sur ce moment décisif de l’évolution géopolitique de l’Europe antique.
Bien entendu, Pressfield a beau vouloir accomplir autre chose que des coups d’esbroufe littéraire, n’est pas Homère qui veut. La structure du texte est intéressante, particulièrement alors que l’auteur tente d’examiner en profondeur les notions philosophiques sous-tendant la société spartiate, à savoir la notion d’honneur, mais surtout la notion de peur et comment lutter efficacement contre elle dans tous les aspects de l’existence, mais à tenter de choisir entre des dialogues complexes et parfois lourds semblables à l’Odyssée et les échanges plus « contemporains », l’auteur ne ménage ni la chèvre, ni le chou. On jongle entre les registres familier et complexe, provoquant parfois une confusion chez le lecteur.
Par ailleurs, l’histoire en entier a beau n’être qu’un long retour en arrière, gare à ne pas entremêler les dispositions temporelles de la narration. Passer plusieurs dizaines de pages à parler du début de l’âge adulte de notre protagoniste, par exemple, pour revenir ensuite à son adolescence, voire à son enfance, n’aide aucunement à la compréhension du texte. M. Pressfield aurait gagné à retravailler l’ordre de certains de ses chapitres pour en améliorer la fluidité.
Dans son ensemble, toutefois, Gates of Fire est un très bon roman à saveur historique. Loin de l’éclat visuel de 300 (qui a néanmoins sa place comme objet culturel spécifique), le roman présente une approche plus pragmatique, plus mesurée. Une oeuvre éclairante, avec une agréable dose de fiction pour assaisonner le tout.