Il est difficile de trouver une meilleure représentation du mot échec que cette énième tentative de transformer quelque chose qui a attiré l’attention en une franchise qui rapporte. À tout le moins, voilà surtout une épatante façon de gâcher du talent, de l’argent et, pour bien rester en lien avec le thème mis en place: du temps.
D’une année qui sabote des franchises qui ne volaient déjà pas très haut, en plus de d’autres qui détenaient tout de même de grands classiques, voilà que Disney s’entête à détruire à nouveau un indémodable. Après l’horrible premier volet qui virait à 360 degrés l’œuvre remarquable de Lewis Carroll, on s’amuse à réduire davantage en bouillie les merveilles d’origines. Tout l’inverse du supérieur The Jungle Book de Jon Favreau qui reproduisait pour sa part pratiquement à la lettre le dessin animé original, les déclinaisons d’Alice et de son pays des merveilles s’entêtait à tout transformer en plus gros et, par le fait même en plus laid. D’ailleurs, aussi saisissants peuvent-ils sembler par moment, si l’on est pour fait un usage aussi abusif d’effets spéciaux (il y a probablement pour 90% de CGI dans chaque plan), pourquoi ne pas opter pour un film animé?
Néanmoins, pour le meilleur ou pour le pire toutefois, on doit admettre que Tim Burton a passé son flambeau avec une certaine aisance alors qu’on retrouve toute la fioriture de la monture précédente. Volet d’ailleurs qui n’avait que très peu de la magie et de la fantaisie de Burton, noyé dans une surabondance d’effets spéciaux bidons qui carburaient aux absurdités idiotes, à mille lieues des ingéniosités de Carroll, qui s’est toujours amusé avec les mots, les expressions et tout le reste. De fait, il est pratiquement impossible de trouver le style de James Bobin, un habitué de l’absurde, tellement il semble exécuter à la lettre les simagrées de la commande qu’on lui a confiée.
Du coup, on fait exactement comme cette tendance stupide de prétendre faire une suite en s’empêchant d’aller de l’avant, trop préoccupé par le passé qu’on veut par le fait même tenter de changer. Nageant dans le même ridicule que The Huntsman: Winter’s War, on s’entête à approfondir le pourquoi du comment dont tout le monde se fout en donnant un prélude aux personnages déjà mis en place, tout en retournant également à l’origine du conflit opposant les deux sœurs. Redites? Oui.
Cela aurait été davantage ambitieux si l’on avait vraiment voulu jouer avec le temps et changer les choses, de se la jouer Evil Dead 2 et, de refaire avec intégralité le premier film, mais en mieux et de façon réussie cette fois. Cela aurait été de pair avec les notions méta que Bobin a su exprimer avec aisance dans sa réappropriation de l’humour intelligent des Muppets.
Que nenni. Longueurs, ennuis et incohérences sont surtout au rendez-vous dans ce festin visuel flamboyant qui n’en a que pour la direction artistique imposante de Dan Hennah. Les jolies compositions de Danny Elfman et son thème hantant reviennent également à la charge alors que les costumes de Colleen Atwood aident beaucoup à séduire le regard. Après tout, les inspirations fusent de partout et toute l’équipe créative s’est surpassée, on fait même un clin d’œil hallucinant à l’artiste Arcimboldo. Dommage par contre que tout ceci finit par sonner terriblement faux et à ne rien appuyer.
On passe d’un tableau insignifiant à un autre (il y a encore d’horribles flashbacks) sans que rien ne marque, alors que la mise en scène ne sait pas où donner de la tête. Les jeux de miroirs étant ironiquement peu nombreux tout comme des parallèles entre la réalité et le monde survolté (ça prend plus que de prendre le chronosphère comme un bateau alors que notre protagoniste est justement capitaine de bateau, pour en apprécier les reflets). De sa scène d’ouverture à sa conclusion, tout cloche et rien ne fait de sens. Même les tentatives de jeux de mots avec le temps, un Sacha Baron Cohen cabotin, mais plus en retenue que de coutume, ne sont pas suffisantes pour nous esquisser un semblant d’amusement, étant trop exaspéré par les simagrées qu’exhibent en vain l’imposante distribution.
À cela, on ne peut que se sentir mal pour Alan Rickman et ses trois répliques et demie à qui l’on a dédié ce film, qui est d’ailleurs son dernier. Disons que pour lui, tout comme tous les spectateurs qui subiront ce supplice, on méritait décidément mieux. Pour le reste, on ne pourra que voir dans cette représentation du temps qui rouille, la métaphore idéale pour tous ceux qui voudront prendre leurs jambes à leur cou, mais qui d’une certaine façon se verront prisonniers sur place, leurs enfants ou autres circonstances obligent…
4/10
Alice Through the Looking Glass prend l’affiche ce vendredi 27 mai.